24h du Mans vélo : Un top 10 ?
- Bikaway
- 31 août 2021
- 7 min de lecture
Bienvenue au Mans et plus précisément sur le circuit Bugatti qui accueille chaque année la mythique épreuve des 24 h du Mans. Cette course, je la regarde depuis que je suis gamin, et toujours, aujourd'hui, je veille toute la nuit ou presque sur le canapé pour ne pas en manquer une miette. C'est donc avec une grande fierté que je viens rouler sur ce circuit pour les 24 h vélo Shimano 2021.

Avant course
Je suis inscrit au défi solo, c'est-à-dire que je serais seul à rouler en piste et le but du jeu est très simple : Faire le plus de km possible en 24 h chrono. Pour ce défi solo, je ne suis pas malgré tout pas seul, puisque Sandra mon épouse sera ma "directrice sportive" et dans notre équipe, elle a un rôle essentiel. C'est elle qui gérera mes arrêts, le ravitaillement, m'informera sur le classement et les écarts, la logistique... Enfin bref, j'aurais quasiment le rôle le plus facile, car de mon côté, je n'aurais qu'à pédaler finalement...
Il est 9 h et c'est le moment d'aller nous installer dans notre box. Ce sera notre QG et notre maison pendant toute la durée de la course. Le départ est prévu à 15 h, ça parait long à attendre, mais entre l'installation, le repas, le tour de repérage et le briefing ça passe extrêmement vite et on se retrouve sans voir le temps passer sur la ligne de départ.
Niveau météo, le temps est plutôt beau malgré quelques nuages, il fait 24 degrés ce qui m'arrange, car je déteste quand il fait trop chaud, par contre le vent est assez soutenu et il ne faiblira pas du week-end.
À 15 h précise Bernard Hinault agite le drapeau Bleu Blanc Rouge qui symbolise le départ de la course.
Objectif top 10
Allez, c'est parti pour 24 h !
Comme les organisateurs placent les solos en fond de grille, je me retrouve avec plus de 400 équipes devant moi, soit à environ 500 m de la tête de course. J'ai pris la décision de partir tranquille, je ne veux pas tenter de revenir directement devant, pour moi ça serait suicidaire de faire un tel effort en début de course. Je préfère m'économiser et attendre plutôt qu'un groupe me prenne 1 tour et revienne de l'arrière.
De son côté, Sandra retourne vers notre stand. Elle aussi est partie pour 24 h de course. Elle me communiquera les infos par Talkie Walki, un pour elle un pour moi que j'ai placé dans ma poche arrière avec bien sur un écouteur et un micro.
C'est notre 2e expérience sur les 24 h vélo puisque nous avons déjà participé à l'épreuve en 2016. Du coup, on connaît déjà quelques astuces pour gérer la course comme il faut. En 2016, j'avais terminé à la 36e place, mais sans m'être vraiment entraîné spécifiquement pour une course aussi longue.

Cette année, je me suis plutôt bien préparé et je m'étais fixé il y a plusieurs mois un objectif très élevé pour moi, faire un top 10.Malgré un entraînement plutôt sérieux, je sens avant la course que ce Top 10 sera quasiment impossible à atteindre, je n'ai clairement pas le niveau que j'espérais avoir, mais tant pis maintenant, il faut assumer ce n'est pas l'heure de se défiler.
Au bout d'une heure de course, à peu près, je trouve enfin un groupe à mon niveau, qui roule à une allure suffisamment raisonnable pour pouvoir la tenir 24 h et assez rapide pour pouvoir faire un bon résultat. Et ça n'a pas été simple à trouver puisque nous les solos, nous courrons avec les équipes de 2, 4 6 et 8 ou chaque coureur roule entre 1 h et 2 h avant de passer le relais à un autre. Je me suis retrouvé pendant 2 tours dans le peloton de tête mené par Sylvain Chavanel ancien maillot jaune du Tour avant de me relever pour ne pas me cramer.
Après 2 h 45 de course, je dois repasser par les stands, j'ai retardé l'arrêt au maximum, car je me trouve dans un groupe qui roule bien. Mais bon je n'ai plus rien à boire et plus rien à manger je m'arrête donc pour un arrêt exprès, ou tout se déroule bien, et où je perds un minimum de temps.
À ce moment-là à la 17e place de ma catégorie, et je suis plutôt content, car mon départ a été plutôt prudent. Je retrouve en plus assez vite dès la sortie des stands un groupe qui roule à une allure parfaite pour moi. Tout se déroule plutôt pas mal de mon côté, je tourne depuis le début de la course autour de 7m30 au tour, soit à une moyenne d'environ 31 km/h.
En toute fin d'après-midi, je ressens une douleur au dos qui commence à s'installer. Je dois serrer les dents et ça devient vraiment gênant quand il faut relancer ou grimper la bosse du Dunlop. Au bout de seulement 4 h de course, c'est inquiétant, mais malgré tout, je ne panique pas. Sur une épreuve d'ultra distance comme celle-ci c'est le genre de chose qui peut arriver. J'essaie de gérer ça du mieux possible jusqu'à mon arrêt au Stand de 20 h ou je m'arrête un petit quart d'heure pour manger. À ce moment-là, j'ai parcouru 175 km et il reste un peu moins de 19 h de course.
Le redémarrage est difficile pour mon dos, surtout qu'à la sortie des stands, il faut affronter directement la bosse du Dunlop. Elle ne parait pas difficile mais à la longue elle pèse très lourd dans les jambes, pour donner une petite idée à la fin de la course, j'aurais accumulé environ 5500 m de dénivelé positif, soit plus que pour une étape de haute montagne du Tour de France. Le gros avantage, c'est que dans cette bosse il y a pas mal de public qui encourage et ça, ça fait du bien.
La nuit
À la tombée de la nuit, mon mal de dos commence à s'estomper et je me retrouve à nouveau dans un bon groupe plutôt rapide, dans la roue du 178 Evens Stevenart vainqueur de l'épreuve en 2016 et 2017, et recordman de la traversée des Etats Unis en duo sur la mythique Race Across America, bref un monstre de l'ultra distance. Bon, j'avoue qu'il a quand même quelques tours d'avance sur moi, mais chut... On ne dira rien. À 23 h 30, je m'arrête pour un ravito afin de partir du bon pied pour la nuit.

La nuit au Mans, c'est quand même compliqué. L'arrivée est encore très loin, et la fatigue commence à s'installer. Même s'il y a de moins en moins de public, d'irréductibles spectateurs vont rester jusqu'au petit matin, nous encourager à tous les tours.
Malgré l'événement et la course, se serait mentir de dire qu'une certaine routine ne s'installe pas à force de tourner en rond, à la fois sur la piste et dans les stands...
La première partie de nuit se passe plutôt bien pour moi. La fraîcheur et l'humidité commencent petit à petit, à envelopper la piste. J'essaie de rester au maximum avec des groupes pour ne pas rester seul, mais la répétition du Dunlop me fait de plus en plus mal et j'ai du mal à rester dans les roues. Pendant la nuit, je devrais m'arrêter à 2 reprises à 3 h et 5 h une vingtaine de minutes, je commence à avoir très envie de dormir.
Au petit matin, ça devient compliqué pour moi, clairement, je m'endors sur le vélo, pas cool. J'essaie ma technique que j'avais utilisée pour mon défi entre la Méditerranée et l'atlantique au mois de juin dernier, c'est-à-dire de me balancer de l'eau sur le visage pour te réveiller. Alors ça marche, mais... pas longtemps, ça te réveille 5 minutes pas plus.
À 7 h du matin, je dois une nouvelle fois m'arrêter, je reste près de 45 minutes au Stand. Avec Sandra, on a pris la décision que je ne devais pas dormir, car nous avions peur que j'ai beaucoup de mal à repartir après ça. Je bois du café, mange et ça repart... Mais pas pour très longtemps...
Vers 8 h 30, je rentre au stand et tombe de sommeil. À ce moment-là, je suis encore bien placé à la 13e place, et le top 10 est encore envisageable. Mais cet arrêt me coûte cher, très cher. Je dormirais une petite demi-heure.
Dernière ligne droite
Je repars tant bien que mal à une lointaine 17e place, mais au bout de quelques tours seulement, je sens bien que cette minie sieste m'a bien retapée. Je sens clairement que je vais pouvoir aller jusqu'au bout sans avoir besoin de dormir. Je m'en veux de ne pas avoir dormi à mon arrêt précédent ça m'aurait économisé peut-être cet arrêt, d'autant plus que j'avais déjà eu l'expérience seulement 2 mois auparavant ou une petite sieste m'avait bien remis dans le bain. Les tours s'enchaînent et l'arrivée se profile au loin.
Sandra m'informe par l'oreillette que je suis très irrégulier dans mes temps au tour... Et c'est vrai, je sens bien que j'alterne entre les tours plutôt rapides où je me sens bien et les coups de moins bien ou je roule beaucoup moins vite. À Midi, je m'arrête une dernière fois, je suis à la 15e place.
Le début du dernier relais ne se passe pas très bien pour moi, je tourne à environ 9 minutes au tour, j'ai du mal à appuyer fort sur les pédales et à avancer plus vite. Malgré mes mauvaises sensations, je gagne 2 places. Je ne sais pas si c'est ça ou autre chose, mais à partir de là, je vais retrouver des jambes de feu jusqu'à l'arrivée. Même si je suis trop loin pour le top 10, je me mets minable pour gagner le plus de place possible, je sais que d'autres peuvent craquer à ce moment-là et je veux finir la course sans regrets...

Je finirais à la 13e place à seulement 2 tours du top 10. Je suis un peu déçu d'échouer si près, surtout avec l'erreur faite pendant la nuit... Mais franchement, je ne pensais pas au départ de la course pouvoir faire aussi bien : 150 tours et 627 km en 24 h, c'est pas mal quand même, 23 places de mieux et 115 km en plus par rapport à 2016 avec 5 ans de plus je suis content de moi.
Et au final sur ce genre d'épreuve, ce n'est vraiment pas le plus important. L'important, c'est d'avoir partagé sur ces 24 h tant d'émotions avec ma Sandra, les colocataires de notre stand, la famille, le public et tout ceux qui ont suivi les lives sur mon compte Instagram.
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